Le Matin Dimanche, 24.11.13

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Patience, les ordinateurs durables,
traçables et réparables arrivent

TENDANCE Les laptops réparables Why! imaginés par l’ancien conseiller d’Etat François Marthaler, affranchis des systèmes d’exploitation d’Apple et Microsoft, sont l’expression suisse d’une mouvance beaucoup plus large.

Ivan Radja

Il faut vraiment y croire. L’ancien conseiller d’Etat vaudois François Marthaler a mis toutes ses économies (500 000 francs) dans un projet fou en apparence, mais qui pourrait être promis à un bel avenir: mettre sur le marché un ordinateur que le client peut réparer lui-même. En prolonger la durée de vie! Pur non-sens économique? «On pourrait le penser a priori, sourit François Marthaler. Mais je suis sûr que cette formule est non seulement viable, mais de plus nécessaire.»

La société Why! Open Computing, qu’il crée fin 2012, sise à Prilly (VD) au-dessus de La Bonne Combine, atelier de réparations en tous genres qu’il a fondé en 1980 avec déjà le même esprit, a pour but de combattre la logique de l’obsolescence programmée. Le laptop Why! est la première production de la société, sortie en juillet dernier. Cinq cents appareils ont été mis sur le marché, et les ventes démarrent doucement, avec 141 exemplaires écoulés. Pour l’heure, ces portables sont fabriqués à Taïwan et assemblés en Hollande. Si les ventes suivent, avec un objectif de 15 000 par an, une production en Suisse est envisagée à terme. Le portable Why! a le gros avantage de pouvoir être réparé par son propriétaire, même s’il n’est pas un geek accompli. «Via le site
Why! nous proposons les guides de réparation avec marche à suivre illustrée de photos, qui expliquent bien chaque étape, du dévissage des panneaux à la pose de la pièce en question», précise François Marthaler. Pour les pièces à changer, un lien renvoie aussi vers le site américain «I Fix It» («Je le répare»), où l’on peut acheter n’importe quel élément, y compris des occasions. Les ordinateurs Why! y figurent depuis cet été également. Le Why! roule sur le système d’exploitation Linux, qui est devenu une vraie alternative à Microsoft (MS) Windows ou Apple OSX. Le marché est à prendre: Linux n’équipe que 1% des PC à l’échelle
mondiale, et il n’est pas possible de se procurer un ordinateur en Suisse avec ce système d’exploitation. L’installer soi-même est possible, mais seuls les experts s’y lancent.

François Marthaler n’est pas un kamikaze. Sa démarche s’inscrit dans une mouvance plus large. «Il s’agit d’en finir avec les Apple et autres Samsung qui font tout pour que votre appareil ne soit pas réparable.» Le site «I Fix It», qui existe depuis une dizaine d’années, vient d’ouvrir une tête de pont en Allemagne. De plus, les toutes récentes traductions du site en français, espagnol et allemand reflètent la demande croissante pour l’aide à la réparation et les pièces détachées. Un forum permet d’échanger expériences et conseils.

L’obsolescence programmée n’irrite pas que François Marthaler. D’autres que lui commencent à proposer une façon de vivre l’informatique autrement que comme otages de grands groupes fermés. C’est notamment le cas de Fairphone, un projet basé à Amsterdam, dont le but est de produire un smartphone de manière équitable. L’entreprise a gagné son premier pari en écoulant l’entièreté de son premier lot de 25 000 téléphones portables (325 euros), produits en laissant l’empreinte environnementale la plus légère possible, et dans le respect du commerce équitable. Une seconde fournée sera en préparation suivant la demande. Actuellement, 4152 personnes ont déjà manifesté leur intérêt. Coïncidence: bien qu’il roule encore sous Android, ses concepteurs souhaitent l’ouvrir à d’autres systèmes d’exploitations indépendants, comme Ubuntu, ou Firefox OS, un système d’exploitation mobile libre proposé et développé par la Mozilla Corporation.

Modules standardisés
La philosophie de la durabilité et de l’open source gagne indéniablement du terrain, y compris chez les géants du secteur. Lorsqu’il rachète Motorola en 2012 pour 14 milliards de dollars, Google a une idée derrière la tête: conquérir le territoire de l’open source appliqué au hardware. C’est l’essence même du projet ARA de Motorola, en accord avec la société Phonebloks, qui met au
point un smartphone composé de modules standardisés susceptibles d’être remplacés séparément.

Motorola va plus loin en faisant collaborer ses ingénieurs avec des milliers d’autres via une plate-forme open source. Cela a pour corollaire qu’aucune de ces réalisations ne sera brevetée. N’importe quel fabricant pourrait ainsi utiliser des composants de Phonebloks, et n’importe quel fournisseur (Logitech par exemple) proposer son produit dans le smartphone Phonebloks. Les guerres de brevets financièrement homériques entre Samsung et Apple seraient-elles en passe de ringardisation?

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