Politique Intégrale, 12.13

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Une révolution est en route

Le why! est le premier ordinateur démontable et réparable par soi-même

David Dräyer et Monique Centeno sont allés à la rencontre de François Marthaler, fondateur de l’entreprise Why! Open computing SA, dans les locaux de la société, au deuxième étage du magasin « La bonne combine » à Lausanne – une référence dans la région pour la lutte contre l’obsolescence programmée.

À notre arrivée, François Marthaler nous présente immédiatement la « bête » : un ordinateur portable why! qu’il retourne pour nous dévoiler le dessous de l’appareil, puis l’écran, et le clavier. Contrairement à l’appareil qui me permet d’écrire ces lignes, le why! est assemblé avec de petites vis ordinaires, qui permettent de le démonter complètement.

Et de nous expliquer ses spécificités : Il est le premier appareil fabriqué en Suisse, installé d’origine avec Linux (Ubuntu) que tout un chacun peut réparer personnellement.

Comment ? En allant sur le site whyopencomputer.ch, sous la rubrique « guides de réparation ». Il y a une marche à suivre avec photos pour le remplacement de chaque élément, avec indication du temps de travail pour le faire. Tout d’un coup, ce qui nous semblait hors de portée de nos compétences se limite à un simple mode d’emploi, facile et clair! On peut y commander pièces détachées et accessoires, lire les dernières nouvelles sur le sujet, découvrir où trouver les spécialistes qui vendent why! ou apprendre comment télécharger Libre Office, Thunderbird, Shotwell ou encore Openshot, des programmes libres pour nous affranchir de la dépendance aux traditionnelles grandes marques. Il s’agit surtout d’un site convivial qui invite au partage des connaissances dans l’esprit de l’open source qui fait fureur dans le monde grâce à l’internet.

En résumé : tout est là pour que notre nouvel ordinateur Why ! vive au moins dix ans, sans générer des frais disproportionnés. Il y a aussi un projet de stockage virtuel (en réflexion avec l’école de HEC de Lausanne) : les gens pourraient mettre leur appareil actuel, défectueux ou trop vieux, à disposition sur internet pour permettre à d’autres de récupérer les pièces permettant de réparer le leur, en s’adressant directement au détenteur de l’appareil défectueux.

Qu’est-ce qui vous a motivé, François Marthaler, de mettre sur pied à tout juste 20 ans « La bonne combine », un magasin où il est possible de faire réparer nos vieux appareils depuis 1980, devenu le centre et le symbole de la lutte contre l’obsolescence programmée ? – J’étais révolté par le monde qui nous entourait, par notre société. Et il y a eu le rapport Brundtland en 1987, puis Rio en 92. C’était aussi l’époque où j’ai refusé de faire mon service militaire, j’ai écrit directement à Georges-André Chevallaz que je ne l’accomplirais pas. Je ne me suis pas présenté pour faire mes 7 mois de prison, et me suis fait cueillir plus tard à la frontière pour finalement les exécuter. « La bonne combine » a été une résultante logique de mon combat.

Et qu’est-ce qui vous a poussé plus tard à devenir conseiller d’État (Vert) du canton de Vaud, de 2004 à 2012 ? – La Bonne combine était une bonne chose, mais elle n’avait qu’un impact limité aux quelques milliers de clients convaincus. Je voulais être plus efficace.

Quelles sont les réalisations en politique dont vous êtes aujourd’hui le plus satisfait ? – J’étais alors en charge, entre autres, des infrastructures et de l’informatique. J’y ai créé une unité de développement durable forte de 3.5 postes qui a finalement permis au Conseil d’État d’inscrire le développement durable comme un chapeau global de l’action gouvernementale dans le cadre du programme de législature 2007-2012, principe conservé et même renforcé dans le programme 2012-2017. Dans ce cadre, nous avons établi des objectifs, à court, moyen et long terme, jusqu’en 2050. Non seulement ces objectifs sont
suivis, mais entre-temps d’autres objectifs sont venus enrichir le programme, même jusqu’en 2050. Mon travail aura un impact au moins sur 40 ans. Pendant cette période j’ai fait introduire des critères d’adjudication des marchés publics dans le sens de reconnaître les entreprises qui font réellement un effort d’une manière ou d’une autre pour la durabilité, et de leur permettre de présenter une offre plus élevée que celle du moins-disant.

Comment en êtes-vous arrivé à fonder la société Why! Open Computing SA ? – Je suis parti du Conseil d’État en juillet 2012 en prenant mon ordinateur portable sous le bras. J’ai voulu y installer Linux, et j’ai réalisé combien il est difficile d’installer un programme libre dans les ordinateurs préinstallés Microsoft et autres. J’ai cherché pendant plusieurs semaines, et en même temps mon projet s’est précisé.

Qui sont actuellement les clients Why ? – La moyenne d’âge des acheteurs est actuellement assez élevée, autour de 60 ans. Toucher les jeunes n’est pas facile : ils s’associent très volontiers à une marque, comme Apple par exemple. Cela leur donne un sentiment d’appartenance, de famille, qui est probablement plus important que les considérations écologiques ou la manipulation par les grandes marques.

Que pensez-vous du système de politique suisse ? – Je suis très rassuré sur notre démocratie. Malgré le fait que j’ai été en prison, j’ai été élu au Conseil d’État du canton de Vaud. C’est un très bon signe.

François Marthaler nous a encore parlé de ce qu’il nomme la troisième révolution industrielle : la connaissance devient globalisée, elle circule et se partage, libre de toute notion de propriété et de brevet. Quand à la production, lorsque les idées s’ancrent dans la matière, elle devient locale. Par exemple, avec les imprimantes 3D qui sont en train de se démocratiser, on trouve une application concrète : je ne vais pas passer des heures à établir les plans d’une pièce cassée si je ne le fais que pour moi. Mais si ce travail peut être partagé avec d’autres et ainsi leur éviter d’y consacrer du temps, eh bien c’est une belle façon de donner du sens à son travail.

En finissant la discussion, François Marthaler nous affirme qu’il a toujours aimé ce qu’il faisait, même s’il y a eu des temps difficiles. Nous le croyons volontiers. Il est rayonnant cet homme-là, et il foisonne de projets passionnants.

Chers intéressés à la lutte contre l’obsolescence programmée, vous avez là une bonne opportunité d’entrer en action : whyopencomputer.ch.

Lire l’article mis en page (pdf, 113 Ko)

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